Pol Bury

Pol Bury

Le mouvement ralenti

Exposition du 27 mai au 30 novembre 2012

(Affiche épuisée) (Catalogue épuisé)

Jean-Louis Prat
Commissaire de l’exposition

Le mouvement ralenti

Dès ses débuts, Pol Bury a été marqué par les idées subversives du mouvement surréaliste et l’écho important qu’il avait trouvé en Belgique auprès de nombreux artistes, notamment avec la présence insolite et incomparable de son compatriote René Magritte, mais cette école insolente qui faisait appel à l’inconscient et au rêve exerçait plus souvent son pouvoir dans le domaine pictural, peu dans celui du domaine sculpté. Pol Bury était fasciné par le développement des formes, du mural ou du relief qui anticipe toujours le volume, par la même le déroulement dans l’espace. Pour cela « il fallait tourner le dos au tableau de chevalet et le proclamer » comme il l’écrira plus tard.

Aussi lorsqu’il interrogeait l’histoire de l’art, Pol Bury portait-il un regard attentif et généreux sur son grand ainé, Alexander Calder, dont le génie créatif l’étonnait sans fin mais aussi, sur d’autres artistes du début du XXème siècle, les constructivistes, qui avaient constitué la trame de son parcours. Précurseurs, ceux-ci avaient, en leur temps, tenté l’aventure du « mouvement ». De Tatline à Rodtchenko, en passant par Lissitzky ou Maholy-Nagy, plus tard Gabo ou Pevsner, ils avaient envisagé de parler de la sculpture avec des matériaux neufs, depuis le plastique, nouvellement apparu, en passant par l’acier, jusqu’à l’aluminium rutilant, tranchant et vif, ou bien le verre, avec parfois des fils tendus d’un point à un autre, délimitant des espaces inattendus. Ils définissaient alors un temps différent où tout est assujetti au dynamisme et à la vitesse. De fait ils parlaient du mouvement.

Ce que les constructivistes s’étaient acharnés à mettre en place dans les années vingt, mais qu’ils avaient dû abandonner, lâchement délaissés ou condamnés par ceux qu’ils avaient suivi dans leurs utopies révolutionnaires, ce sont les artistes du mouvement cinétique – dont Pol Bury – qui en prendront le relais quelques décennies plus tard. Dans les années cinquante, ils donneront ainsi une revanche à un mouvement qui, grâce à eux et avec eux, sera désormais contemporain et victorieux.

Pol Bury est une figure essentielle du mouvement cinétique. Il a contribué à introduire la nouveauté, le jeu, et une indépendance inédite dans une démarche de sculpteur dont on perçoit mieux aujourd’hui la présence et l’importance. Sa réflexion et son humour, fort et grinçant, guident cette création qui fascine tant elle révèle aussi la fragilité de notre temps. Bury y ajoute une part de rêve et rejoint, d’autre manière, un autre grand sculpteur de cette époque, Jean Tinguely qui déclarait lui aussi que « l’unique chose stable, c’est le mouvement, partout et toujours ».

Pol Bury va animer ses œuvres, faites de bois ou d’acier poli, par des impulsions quasi imperceptibles ; ce sont elles qui retiennent notre attention, troublés et fascinés que nous sommes devant ce qu’il nomme « ces humbles mouvements de l’immobilité ». Bien qu’indécelable dans sa création, le moteur joue un rôle décisif dans sa démarche. Il va lui permettre de narguer le temps immobile. En le mettant en action dans un univers trop stable, le sculpteur se joue du dérisoire et du monde établi.

La perfection est de règle dans la réalisation des œuvres de Bury. Rien ne permet de découvrir le secret de ce mouvement ralenti dont vit chacune de ses sculptures. La lecture reste toujours fascinante et mystérieuse, et entretient, entre provocation et surprise, une connivence avec le spectateur et les aléas de la vie. Dans un univers perclus de certitudes, les oscillations et les vibrations de matériaux voués par essence à la stabilité et à la fixité façonnent un espace paré d’incertitudes. Dans cette sculpture où la technologie tient sa place, l’artiste doit faire preuve d’invention et d’humilité pour ne pas tomber dans les pièges de la redite. Proche de l’ingénieur, éloigné pourtant de techniques trop contraignantes, il doit préserver la part de rêve et de poésie dont il entend peupler son œuvre.

Avant lui, la sculpture était très souvent une œuvre d’appoint statique qui révélait un temps immuable. Avec Pol Bury, elle livre le temps qui s’écoule et devient changeante et dynamique. Par les métamorphoses d’une même forme, elle nous surprend, nous apprend, nous étonne ! Elle revêt un nouvel élan vital. L’homme se reconnait dans son temps, avec un potentiel d’émerveillement et une vision nouvelle, où il tente de capter l’éphémère, de le fixer, sans jamais le figer.

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